SATIRE V.
Si tu ne rougis pas du métier que tu fais :
Si la table d’autrui t’offre encor des attraits ;
Si tu n’as pas cessé d’y voir le bien suprême ;
Et ces dédains amers que chez Auguste même,
Sarmentus et Galba n’auraient pu tolérer,
Si d’un esprit content, tu peux les endurer,
Ton serment, dès ce jour, m’est suspect d’imposture :
Qui ne rougit de rien est bien près du parjure.
Que faut-il à la faim ? le plus frugal repas.
Mais ce peu qu’il lui faut, quand tu ne l’aurais pas,
N’avons-nous plus de quais ? n’est-il plus de portique,
De pont, où, revêtu d’un lambeau de tunique,
Au lieu de mendier un festin insolent,
Il vaudrait mieux ronger un pain noir en tremblant ?
D’abord, sois convaincu, malheureux parasite,
Qu’un grand, lorsqu’à souper par hasard il t’invite,
Des soins les plus constants par là te croit payé.
Un mets est tout le fruit de sa noble amitié !
Encor cette faveur accordée à ton zèle,
En tient-il quoique rare un registre fidèle.
Si donc après deux mois d’un entier abandon,
Venant en sa mémoire à rappeler ton nom,
Il daigne, pour remplir une dernière place,
Sur son troisième lit te faire asseoir par grâce
S’il te dit : Avec moi venez souper ce soir :
Un tel excès d’honneur doit combler ton espoir,
Et c’en est bien assez pour qu’on te voie encore,
Prévenant ses flatteurs et devançant l’aurore,