C’est quelque roi captif. — Bien, Véienton, courage !
Apprends-nous son pays, dis-nous encor son âge.
— Quel est donc votre avis ? sera-t-il dépecé ?
— Ah ! seigneur, est-ce vous qui l’avez prononcé ?
Loin de lui, dit Montane, un si sanglant outrage !
Qu’avec zèle plutôt on se mette à l’ouvrage,
Et que, pour l’enfermer dans ses minces parois,
Un immense bassin se creuse à votre voix :
C’est ici qu’il nous faut un nouveau Prométhée.
La roue est-elle prête, et l’argile apportée ?
Mais ordonnez, seigneur et que de nos Césars,
Des potiers désormais suivent les étendards.
Il dit : et cet avis, digne du personnage,
De l’auguste assemblée entraîne le suffrage.
Montane se souvient des banquets de la cour,
De ces nuits de débauche où, jusqu’au point du jour,
Transformant son palais en impure taverne,
Néron, gonflé de mets, écumant de Falerne,
Savait renouveler et sa soif et sa faim.
Quel autre de nos jours eut le goût aussi fin ?
De Rutupe ou Circée, irrécusable arbitre,
Au premier coup de dent, il reconnaissait l’huitre,
Et, sur la simple vue, à sa forme, à sa chair,
Disait le bord natal d’un hérisson de mer.
César quitte son siège, et chacun se retire.
Voilà ce qu’il voulait aux princes de l’empire ;
Voilà l’ordre important au salut de l’état,
Qui faisait en tumulte accourir le sénat,
Comme si tout à coup, sur ses rapides ailes,
Une lettre apportant de fâcheuses nouvelles,
L’empereur eût appris qu’au fond de leurs déserts,
Le Catte et le Sicambre avaient brisé leurs fers.
Que n’a-t-il consumé dans ces extravagances,
Un règne où, se livrant à d’horribles vengeances,
On le vit dans le sang des plus nobles Romains,
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