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Je dissimule la peur qui est en moi sous un torrent de paroles. Je vais à la rencontre de M. P… Je lui serre la main « Comment allez-vous, Monsieur P… ? » – « Merci, pas trop mal, et vous ? » « Mal. » (C’est une précaution que je prends, mais elle ne sert à rien). Il faut que j’ôte ma veste. Rien ne retardera le moment fatal, comme je vois. « Eh bien, vous avez pu arriver ? » — « Eh ! tout juste. Et il m’a fallu venir à pied… » — « À pied ? » (Il m’aide à ôter mon gilet.) « Oui, les tramways ne marchaient plus. L’employé m’a dit : « On ne sait pas quand on partira. Les aiguilles sont gelées… » J’ai beau faire ; je parle et il parle ; je parle beaucoup, il parle beaucoup ; rien n’empêche