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l’esprit, s’il est vraiment encore en vie, reste en vie. Tant d’hommes sont morts autour de moi, quoique vivants ; sont immobilisés, définitivement immobilisés, et pour toujours atteints d’ankylose. Ils ne changeront jamais plus, ils ne peuvent plus changer.

Le pire est qu’ils ne s’en doutent pas ; la chose s’est faite à leur insu. Il n’y a pas de douleur et il ne semble pas qu’on soit privé de rien. Ça ne se constate ni par la vue, ni par le toucher, ni par l’ouïe ; ça ne se fait que peu à peu, c’est lent, c’est extrêmement lent : l’esprit replié, lui aussi, replié dans ses habitudes comme le bras dans son bandage, et peu à peu retranché de la vie par goût de ses commodités. Insensible