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LA GRANDE PEUR

avec sa pauvre petite voix, contre la grande de l’eau. Elle devait avoir perdu tout à fait sa direction, de sorte qu’elle a tourné en rond longtemps, puis elle a essayé de grimper droit devant elle à la pente ; malheureusement, à cet endroit-là, on ne s’y attaquerait même pas de jour. Elle a dû tomber à la renverse. Elle s’est raccrochée à un petit sapin qui a cédé avec sa motte ; ensuite, elle n’a fait qu’un saut… Oh ! disent-ils, on a tout pu lire ; c’était écrit comme dans un livre phrase après phrase, et jusqu’à la dernière, c’est-à-dire au-dessus d’une de ces poches dans le roc où il n’y a pas eu moyen de descendre pour essayer de la trouver, et là l’histoire a été finie… Tout à fait comme pour le mulet… Tout à fait comme pour le mulet, disent-ils ; et, nous, le lendemain matin, on s’était mis à la chercher, parce que tout de suite on avait compris de quel côté elle devait être allée. Ceux du poste ne l’avaient pourtant pas aperçue, ils disaient : « Croyez-vous qu’on l’aurait laissé passer ? » On a eu alors l’idée d’aller voir dans la rivière, son père, ses deux frères, son oncle, et puis nous autres ; ainsi on a trouvé ses traces dans le sable et le commencement de l’histoire qu’il n’y a eu