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Rouge avec un chargement de poutres. Ravinet s’approche en ralentissant de plus en plus le pas comme s’il se méfiait. Il voit que c’est cette nouvelle construction, cette rallonge que Rouge a faite à sa bâtisse : « Ah ! il bâtit, se disait-il ; pourquoi est-ce qu’il bâtit, celui-là ? » Et « celui-là » c’était Rouge qu’on voyait qui était en train de mesurer avec un mètre de poche les pièces de bois déjà déchargées, tout en consultant un carnet ; il n’a pas vu le Savoyard ; c’est seulement le bruit des pas sur les galets qui lui fait lever la tête. L’autre s’était arrêté, la cigarette au coin de la bouche.

Il a dit :

— Alors vous bâtissez ?

— Ça se voit, il me semble, dit Rouge.

— C’est pour vous ?

Le Savoyard s’est mis à ricaner drôlement, pendant que Rouge, dans sa surprise, ne trouve d’abord rien à dire ; puis :

— Dites donc, vous ! ça vous regarde ?… Si vous vous mêliez de vos affaires…

Seulement voilà que Ravinet, ayant craché de nouveau, s’en allait et il ne se montrait déjà plus que de dos ; — c’est alors qu’ayant continué à longer la rive il était arrivé devant chez Milliquet comme par hasard, puis a voulu entrer, puis a vu par dessus le mur de la terrasse les trois marchands de bétail.

Il avait été faire un tour dans le village, il était revenu un moment plus tard.

De nouveau, il n’est pas entré. Et où la beauté pourrait-elle