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a eu une sorte de petite gorge où l’eau, se resserrant, tombait par des gradins de grès tendre, qu’on nomme mollasse chez nous, dans des mares ; — après quoi une ouverture brusque se faisait sur un large vallon. Endroit grand, sablonneux, sauvage, qu’illustre plus en amont un beau pont de pierre à nombreuses arches, c’est le viaduc du chemin de fer ; mais ailleurs il n’y a que des prés d’herbe pauvre, outre les gravières sur la gauche. Endroit pauvre, peu cultivé et endroit presque pas habité, car on ne voyait guère qu’une petite maison à demi enfoncée dans le sol à mi-côte, sur la rive gauche : c’était la maison d’un nommé Bolomey, chasseur et pêcheur, qui y vivait seul.

Un train passa sur le viaduc. C’était un train sans fumée.

Maintenant ils ont des locomotives électriques qui ne ressemblent plus du tout à des locomotives, mais ont l’air de simples wagons, avec la seule différence qu’elles ont un trolley, et on attelle ces wagons devant les autres.

Un train passe sur le viaduc avec un grand bruit de vent qui se lève et Rouge se disait, le regardant passer : « Ça va quand même rudement vite, ces trains électriques, ça fonctionne bougrement bien !… »

Ça passe, ça glisse sans effort dans un beau mouvement égal ; ça brille un instant de toutes ses vitres, ça n’est déjà plus, le bruit meurt ; et lui : « C’est un progrès quand même ! Et puis cette économie de charbon… ».

Il tira sur sa pipe, et il regarda plus à gauche : là-haut, deux