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— Dis donc, Décosterd, qu’est-ce que tu penses de ça ?

Il a répondu lui-même à la question.

— Moi, je n’en pense rien de bon…

Il montre les planches de la remise autrefois rejointées soigneusement et peintes à l’huile, mais qui avaient fini sous l’action du soleil, des pluies, sous la succession des saisons, du froid et du chaud, du bon et du mauvais temps, par jouer et se désassembler ; il montre l’espèce de maladie de peau qu’elles ont et qui fait que leur couleur est tombée d’elles par écailles, la porte qui s’ouvre tout de travers sur ses gonds tordus ; il montre le mur de briques qui se lézarde ; — et l’étrangeté de la chose était qu’en même temps il semblait tout content ; il disait : « Ça me dégoûte… » et en même temps le contentement lui brille dans les yeux.

— Oui, Décosterd, c’est comme ça, on devient vieux…

Le contentement lui ruisselle des yeux sur la figure, pendant qu’il tire sur sa pipe.

— C’était en train de venir en bas… On n’y faisait même pas attention, c’est qu’on venait en bas soi-même…

Et il disait ces choses au passé (pourquoi au passé ?) ; il reprend :

— Et toi, Décosterd, qu’en penses-tu ?

Décosterd répond par un signe de tête. Il ne parlait guère.

Il fait signe qu’il était bien de cet avis, avec son œil bon et son œil pas bon, sous sa casquette d’étoffe grise ; mais il s’étonne tout de même de voir l’air qu’avait le patron