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avait été poussé contre le mur ; elle l’empoigne des deux mains par derrière, ayant noué son châle autour de sa ceinture, puis se met à grimper le long de l’échelle, dans la lune, car la lune venait de sortir de derrière les nuages, et la lune a été sur ses cheveux, puis ses épaules, puis sur sa jupe et sur ses jambes, tandis qu’elle les amène à elle. Et on a connu sa souplesse. Elle s’est tenue un instant tapie en haut du mur, toute ramenée sur ses mains qu’elle tient à plat devant elle ; c’était le bord d’une terrasse cimentée où on venait étendre la lessive, comme on voyait à des fils de fer fixés entre leurs supports. C’était tout bleu de lune là ; elle a été toute noire et blanche dans ce bleu. On a vu qu’elle savait faire. On a vu qu’elle savait s’y prendre. Elle ne s’est pas redressée, elle ne s’est pas mise debout ; on aurait pu la découvrir trop facilement. Ce premier quartier de lune brillait comme un glaçon bien lavé à l’angle du café Milliquet, faisant plus loin sur l’eau une espèce de large route qui vous envoyait son reflet ; elle a rampé comme le chat. Elle a été tellement silencieuse qu’elle semblait faire du silence dans le silence, elle semblait ajouter au silence en avançant. Elle est arrivée ainsi sur l’autre bord de la terrasse. Elle n’a eu qu’à s’y allonger de tout le corps, laissant seulement dépasser ses yeux.

Et c’était de l’autre côté d’une cour, dans une longue maison basse, dont le rez-de-chaussée seul était en pierre. Quelque chose comme une grange avec une écurie dessous et à côté de l’écurie deux pièces dont l’une avait sa fenêtre éclairée et