Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et maintenant c’était de dos qu’ils la regardaient seulement ; ils n’osent plus la regarder de face, parce qu’alors il semble qu’il vous entre une longue épingle à tricoter dans le cœur.

Elle servait dans la salle à boire, la servante sur la terrasse ; Milliquet probablement préférait l’avoir près de lui, sous sa surveillance immédiate. Quand donc on appelait dehors, c’est la servante qu’il y expédiait.

Un soir, toute une bande de jeunes gens était arrivée. Les journées commençaient à être longues, et après le souper ils avaient encore le temps d’aller faire une partie de quilles, du moins était-ce le prétexte qu’ils s’étaient donné, ce soir-là. Ils étaient d’abord venus sur la terrasse ; puis, ayant regardé autour d’eux, et comme s’ils n’y avaient pas trouvé ce qu’ils cherchaient, avaient continué leur chemin jusque là où étaient les boules qui semblaient les attendre dans le bas des traverses où elles redescendent et où elles étaient, la grosse et la petite, avec un trou rond pour le pouce, une ouverture plus large pour les doigts ; puis le grand Alexis regarde encore par-dessus le mur du côté de la terrasse. « Qu’est-ce qu’on prend ? » il tape sur la table avec son poing.

Dans le jeu de quilles, ce soir-là, le grand Alexis, le dragon, un beau garçon de plus de six pieds, avec une petite moustache blonde, un front bas, des cheveux frisés ; — il tape donc sur la table de toutes ses forces ; alors voilà la servante qui arrive, mais, lui, il lui tourne le dos.

Personne n’avait encore commencé à jouer ; on a entendu