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freins frottent contre les roues ; une secousse, on s’arrête brusquement…

— Juliette !

Elle reconnaît le nom que son père lui donnait ; puis on a essayé d’ouvrir la porte, mais la porte est fermée à clé.

— Juliette, vas-tu répondre ?

On recommence :

— Alors tu t’enfermes à présent. Qu’est-ce que c’est que ces manières ? Ça ne va pas durer plus longtemps comme ça… Tu vas descendre. On a besoin de toi…

Elle s’était assise sur le lit ; elle a dit : « Je viens. » Elle se trouve assise sur le lit, puis s’étonne. On redescendait l’escalier. Elle entend qu’on descend l’escalier ; elle s’étonne parce qu’il lui semble qu’il fait clair, et c’est que tout change. Le mur en face d’elle a changé de couleur. Elle s’est demandé d’abord si elle ne continuait pas à rêver, mais elle le voit qui dure, ce mur, il ne veut plus cesser de durer ; — il bouge, et en même temps le plafond bouge. Une quantité de jolies petites lunes sont là-haut, ayant toutes le même mouvement, comme si elles étaient cousues les unes aux autres : elles font penser à des motifs de dentelle, tandis qu’il y a un carré de soleil comme un tapis sur le plancher. Et c’est des choses qui sont vraies. Il y a aussi une bonne chaleur qui vient ; elle ôte la couverture dont elle s’était enveloppée, l’ôte de dessus ses épaules, de dessus ses bras, toute sa peau. Elle est comme quand on se réveille, et cette fois c’est pour de bon. Le grand