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non, parce qu’elle est là, elle a de nouveau été là ; elle tient les deux bras levés, la rose lui tombe de l’oreille. « Maurice !… » : Puis on entend quelques petites notes grêles qui sont égrenées, semblent s’éloigner, reviennent, s’éloignent de nouveau ; et où est-ce qu’il est, le bossu ? on ne le voit pas, l’instrument non plus, ni d’où le son sort, parce qu’il a changé de place ; — mais elle a été de nouveau portée en l’air. L’éclair l’y peint, elle lève les bras. Elle lève encore les bras ; puis elle est sans bras, puis elle est sans corps, puis elle n’est plus ; alors un dernier coup de tonnerre a fait un moment que tout cesse d’être ; puis elle cesse d’être aussi, et quand l’éclair revient, elle n’a plus été là…

— Vas-y vite Maurice, personne ne nous verra… Dépêche-toi…

Mais Alexis tout à coup s’arrête.

Une petite lueur grise avait recommencé à se glisser entre les piliers de bois sous les guirlandes ; on voit les guirlandes, et tiens, c’est vrai, on est sur le pont de danse. On voit entre le mur de planches et le toit les choses qui sont en train de revenir s’y mettre : l’herbe mouillée, les arbres, leurs troncs ; vaguement, pas encore bien marqués, comme au commencement du monde. C’est une chose, puis c’est une autre chose : on n’est pas encore très sûr d’elles ; on les regarde longuement. C’est comme si le monde recommençait à être et il n’est plus le même qu’avant. Maurice alors regarde avec lenteur et étonnement autour de lui, puis il la cherche des