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le reste des assistants ayant couru au feu ou ayant été se réfugier à l’auberge. L’électricité s’était éteinte définitivement. Ici, on était dans le vent : ici, on était dans les éclairs. Ici, on était dans le vent, dans les éclairs, dans le tonnerre, et le tonnerre grondait continuellement. C’est tout au plus si, par moment, et à de longs intervalles, une note ou deux ou encore un accord vous arrivent, puis on n’entend plus rien. Lui, on ne le voit plus : elle, on ne la voit plus. La nuit vous tombe sur la tête et autour des épaules comme le drap noir des photographes ; puis elle paraît, elle est rose ; elle est montée sur une table. On la voit, on ne la voit plus. Ils ne sont plus que cinq ou six : elle est toute rose du dos et des jambes : elle a ce côté-ci des bras et les coudes qui sont roses. Elle est rose, elle n’est plus. Et alors Alexis a pensé sans doute que le moment était venu, il se porte vers Maurice, il le manque. Il le cherche de la main devant lui sans le trouver. Puis Maurice est de nouveau là ; Alexis a le temps de viser à son épaule, il lui met la main sur l’épaule, bien que Maurice soit de nouveau disparu : « Écoute, Maurice, il te faut aller lui dire de venir, c’est le bon moment, l’orage va passer. Le bon moment pour l’emmener, Maurice, sans quoi le monde va revenir… » Mais Maurice ne semble pas entendre, il regarde. Elle est là, elle n’est plus là. Elle est toute rose par devant, elle est toute rouge sur la bouche. « Maurice !… » Maurice ne répond pas, il n’a pas bougé. Le vent vient, il claque sous la toiture. La nuit dure, les éclairs s’espacent ; ils sont maintenant au-dessus du toit. Nuit, —