Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il était arrivé derrière la pompe ; il parle tout haut et un des premiers. Il avait les mains dans les poches, il avait sur la tête une toile de sac qui lui faisait un capuchon pointu.

— Et puis, lui, où est-il ? Et elle ?…

C’est alors que Rouge est paru, mais pas elle. Rouge est paru, mais elle n’était pas avec lui.

Il était avec Décosterd ; les deux hommes venaient seulement d’aborder. Ils ruisselaient par tout le corps, les cheveux collés sur le front, sans casquette, le pantalon plaqué aux cuisses ; puis ils sont là dans la petite pluie, et Rouge était allé devant et Décosterd avait suivi. Ils sont venus les deux du côté du levant ; Rouge n’avait pas l’air de comprendre. Rouge ne disait rien, Décosterd non plus. C’est Milliquet qui recommence :

— Ah ! te voilà, toi ; alors quoi ? est-ce que ça t’étonne ?

Tout le monde se taisait.

— Non, je vois que ça ne t’étonne pas ; seulement elle, où l’as-tu mise ?

Rouge n’avait rien répondu.

— Ah ! bien, ça c’est le comble ! Alors quoi ? vieux malin, tu l’as laissée filer ?…

On a vu Rouge baisser la tête. D’abord il regarde Milliquet comme s’il allait se jeter sur lui ; ensuite on voit que les bras lui tombent le long du corps, et toute sa nuque cède. Quelque chose se dénoue dans son cou, la tête lui va en avant.

— Il faut croire qu’elle ne se plaisait guère avec toi, et ça te la coupe…