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l’autre ou ils se tirent par la main ; et, en même temps, il y avait toujours, derrière les rideaux de l’eau dont elle faisait briller les fils, la même grande lueur vers laquelle ils n’ont eu qu’à tenir les regards tendus et le corps va à leur suite comme le long d’un cordeau. Ils arrivent au ravin, ils dégringolent dans les buissons. Et ils débouchent finalement sur la grève, tandis qu’on entendait toujours la cloche sonner au feu, entre deux coups de tonnerre, deux éclairs. La pompe n’était pas encore là ; ils ont vu que, de toute façon, elle arriverait trop tard.

Et, en effet, quand elle est arrivée, ils ne l’ont même pas mise en batterie, encore que l’eau ne manquât point. Il ne restait déjà rien du hangar ; quant au reste du bâtiment, les quatre murs de brique étaient seuls encore debout, tandis que de l’amas des poutres écroulées à l’intérieur, une fumée noire s’élevait, remplaçant la lueur des flammes. On arrivait maintenant de partout, rien à faire : on ne pouvait que regarder. Et ceux qui venaient du village comme ceux qui étaient venus de la Fleur-de-Lys sont restés là sans plus bouger (le vent avait beaucoup perdu de sa force, les vagues aussi, et le tonnerre s’éloignait).

C’était maintenant dans l’air gris, sur l’eau grise, une fine pluie grise ; et au milieu ça fumait noir. Ils se tenaient là, ils se tenaient autour de ce qui restait des bâtiments ; ils n’ont rien dit d’abord, puis on entend la voix de Milliquet :

— Ça devait finir comme ça !