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« Et, pour nous autres, disait-on, n’est-ce pas, cette invitation, avait été surtout l’occasion d’un petit divertissement et d’un peu de variété ; parce qu’on s’était dit : « On demandera au bossu de jouer et, elle, il paraît qu’elle danse ; » on ne savait rien de plus. Gavillet n’était pas très content, mais il ne l’a pas laissé voir. Il descend de la tribune avec ses musiciens. Elle, ils lui ont dérangé les cheveux avec une couronne qu’ils voulaient lui mettre sur la tête. On voit qu’elle a les cheveux pleins de brins de mousse, pendant qu’on rit et ils lui tendent une rose en papier, puis on voit qu’elle perd son châle. Elle était à présent dans le milieu du pont de danse : là il s’était mis à faire nuit avant six heures, en plein mois d’août, comme par la plus sombre nuit d’hiver. On a vu seulement encore ses épaules et ses bras, une fois que le châle avait été tombé, mais on le lui ramasse. Elle prend la rose. « L’électricité ! l’électricité !… Eh ! là-bas, l’électricité, » parce que les commutateurs étaient dans l’auberge… Elle s’était piqué la rose de papier dans les cheveux au-dessus de l’oreille. « L’électricité ! » un coup de tonnerre. On n’y voyait plus, on ne s’entendait plus. On se faisait un porte-voix avec les deux mains. « L’électricité !… Ah !… » Mais, alors, moi, j’ai été pris dans la poussée. On se poussait vers elle ; de tout côté on se poussait. Et c’étaient encore ces coups de tonnerre. Les éclairs perçaient jusqu’à vous malgré l’éclairage ; ils paraissaient tout éteindre par moment pendant qu’on recevait le coup dans la figure, dans le derrière de la tête, sur le côté de l’épaule.