Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.

miroir qui l’a eue souvent, ne l’aura plus : autant de gagné. Quand on ne peut pas avoir, on détruit. Il empoigne cette fois une des chaises peintes en blanc et toutes neuves qui sont là ; alors cette lumière dans le mur s’est éteinte, ce qui connaissait ne connaît plus. « Hein ? » dit-il… On disait aux musiciens : « Allez seulement boire… Vous voyez, on a tout préparé pour vous, et il y a aussi de quoi manger, si vous avez faim, il y a du pain et du fromage ; » — mais qu’une étoile se fasse seulement dans le verre et la vue qu’il avait de nous n’existe plus. Pan ! dans le miroir, et pan ! dans la table : c’est construit légèrement ; elle se fend en deux. Il l’a arrosée de pétrole, il arrose le lit ; il jette sur le lit pêle-mêle tout le linge qu’il a trouvé et ses affaires à elle pêle-mêle, puis il va dans la remise. La remise est toute en bois. Elle est pleine de filets qui pendent : ah ! ils sont secs depuis longtemps, ils ont eu tout le temps de sécher depuis quinze jours, trois semaines qu’ils n’ont pas servi : des journaux, du pétrole, une allumette… Ça y est. Heureusement qu’on a trois boîtes d’allumettes. Il retourne dans sa chambre à elle, il met des journaux sous le lit. Il empile les chaises, il frotte une allumette. Il passe dans la cuisine ; là la toile cirée est jetée par lui sur les bancs, et sur les chaises qui sont en paille. Et il a voulu enfin passer dans la chambre de Rouge, mais une grande flamme qui charbonne à sa pointe s’est dressée tout à coup entre la porte et lui : il n’a eu que le temps de faire un saut en arrière.