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ensuite on vient avec le balai en paille de riz, la brosse plate. Et déjà partout ça brillait comme des tasses de faïence blanche retournées, comme des dessus d’assiettes, à cause de la neige. Le dimanche matin, tout a été prêt. Plus rien que quelques petits nuages, vite poussés vers le sud par-dessus la chaîne, quelques toutes petites voiles là-haut gonflées de bise qui s’en allaient avec un penchement, tandis qu’en bas, sur l’eau, il y avait aussi cette petite voile, et, elle, elle semblait un de ces nuages, un de ces tout petits nuages resté en arrière et tombé : c’était Rouge qui avait profité des airs pour faire un tour avec Décosterd…

Le samedi après-midi, Milliquet s’était occupé à sortir les bancs et les tables de la remise où il les rentrait pour l’hiver. La servante l’avait aidé, non sans lui faire comprendre que ce n’était pas son ouvrage. Ils avaient été chercher ensemble sur le derrière de la maison les lourdes tables de bois peintes en vert qu’ils portaient chacun par un bout. De temps en temps, Milliquet levait les yeux vers les deux petites fenêtres du second étage, mais elles restaient fermées. C’était quand il se reposait un moment et la servante à côté de lui, dans son caraco de flanelle grise mal boutonné sur sa grosse poitrine, poussait des soupirs en mettant la main à plat sur ses reins. Seulement cette terrasse avait pour Milliquet une grande importance, surtout le dimanche quand il faisait beau, à cause des promeneurs ; et maintenant beaucoup de petits commerçants ont leur auto ou bien c’est une camionnette dont on