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parce qu’elle la reçoit, mais y ajoute en même temps ; elle est éclairée et elle éclaire. Et maintenant il semble qu’il n’y ait plus de proportions à rien et qu’elle n’ait plus sa taille ordinaire ; le vent l’a prise, le vent la pousse, elle est soulevée : elle se tient sur un pied, sur l’autre ; elle tourne, elle tourne encore, toute la lumière tourne aussi ; — et eux, les trois, ne savent plus. Ils voient seulement qu’elle approche, ils voient qu’il va être trop tard ; alors Alexis :

— Eh ! vous êtes prêts ?… Feu !

On voit sortir deux flammes longues comme des cannes, deux flammes pâles dans le jour blanc. Feu ! feu ! deux flammes d’un bon mètre de long ; puis les deux pentes à l’herbe courte viennent en bas, claquent l’une contre l’autre.

On voit que le bossu s’est arrêté.

L’accordéon s’est tu, on n’entend plus l’accordéon ; ce qu’on entend, c’est un premier écho dans le ravin faire son bruit comme quand une pièce de toile se tend, comme quand le vent entre brusquement dans la grande voile. Et le bruit du second écho. Puis du troisième. Comme quand la toile s’est mouillée ou comme quand le vent a faibli. La musique de fête s’est tue alors plus en arrière ; les huit musiciens sur la tribune ont ôté leur instrument de leur bouche, les joues encore toutes gonflées d’un air qui n’a pas servi ; et voilà bien où est sa place, à elle, parce que tout le monde arrive. Elle brille encore avec son châle rouge, elle brille avec ses bras