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neront dans le jardin et là leur feront boire de la limonade autour des tables de fer peintes en vert, sur des chaises pliantes. Moi, où est-ce que je vais aller ? Il se fait un grand obscurcissement du jour sur le chemin blanc qui devient gris, un obscurcissement du soleil dans le ciel qui se voile, sur l’herbe, sur les tables, là où l’on boit, là où on s’amuse, là où on rit. Les chevaux de bois tournaient avec immobilité ; les enfants soufflent dans leurs trompettes de carton avec silence. La foule la poussait de nouveau entre les échoppes où les bonshommes alignés aux yeux de sucre la regardent venir sous leurs plumes. Puis elle voit qu’il y a, posée sur un pliant, une cage, à côté d’une voiture d’infirme. C’est un homme sans jambes qui dit : « Votre avenir, Messieurs, Mesdames ! » Elle voit qu’il y a devant la cage un plateau avec beaucoup de petits carrés de papier de toutes les couleurs, pliés en quatre :

— C’est deux sous, disait l’homme, deux sous par partie.

Ça va ainsi, c’est sur la terre.

— Votre avenir, Messieurs, Mesdames ; deux sous, c’est deux sous seulement…

Sur la terre, une après-midi, ce dernier dimanche ; et, elle, elle n’est qu’une pauvre fille, c’est pourquoi elle donne deux sous.

On voit la cage grandir pour vos deux sous. Elle va à votre rencontre, devient énorme, toutes les choses qui sont autour de vous s’en vont. Rien que la cage et le