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poussière, mais dont les guidons sont garnis de fleurs et enguirlandés. Et c’est comme ça sur la terre. Et on est seule sur la terre. On lui dit bonjour, elle n’a pas entendu. Le bal vient de recommencer. Elle va se mettre derrière le mur de planches garni de branches de sapin sentant bon ; c’est là que se tiennent les femmes et les enfants, ceux aussi qui sont trop vieux pour danser. On voyait sur la tribune les huit musiciens, assis l’un à côté de l’autre derrière leurs cahiers à musique ; ils gonflaient leurs joues en arrière des cahiers. Elle regardait sans rien voir ou elle ne voyait qu’une chose : c’est qu’il n’était pas là, il n’était toujours pas là. Il y avait un grand ensemble de dos, de têtes, de mains tenues en l’air, de mains posées à plat sur une épaule blanche, sur une épaule rose, de têtes sans chapeau, de têtes à chapeau, de figures à moustache, de figures sans moustache ; — le tour de danse était fini. Émilie a été se placer à côté de la porte de sortie, où les couples, un à un, ont défilé en se donnant le bras. Et Maurice n’est pas là. C’est sur la terre. Les musiciens avaient ôté l’embouchure de leurs instruments ; ils soufflent dedans, puis ils secouent leurs instruments pour en faire tomber la salive, sous les drapeaux, sous les guirlandes. Et vous voyez qu’on s’est fait belles. Vous croyiez peut-être qu’on allait rester en semaine ! C’est une fête, on a changé de robe, on a changé d’yeux, on a changé de figure ; vous voyez, on a des gants blancs : — leurs cavaliers les emmenaient, mais, moi, qu’est-ce que je fais ici ? pendant que leurs cavaliers les emmè-