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haut de la rue qu’il pouvait voir dans toute sa longueur ; — seulement rien ne s’y montrait qui ne lui tournât le dos aussitôt. C’est quand on sortait des maisons, puis on prenait dans la direction de la musique et du plaisir que le trombone vous promettait, venant de temps en temps par-dessus les toits avec une ou deux de ses notes. Jusqu’à Chauvy qui prend dans cette direction, sa petite canne, son chapeau melon, sa jaquette ; alors Milliquet lui crie : « Et, vous, où allez-vous ? » mais Chauvy lève sa petite canne.

— Voyons, disait Milliquet, voyons, vous, Chauvy !…

Mais Chauvy n’entend plus et Milliquet enfonce plus profondément les mains dans ses poches tout en haussant les épaules, jusqu’à ce que ça ait été le tour de Perrin qui habite la maison d’en face :

— Dites donc, Perrin, je vous conseille de vous dépêcher. Ça ne durera plus que deux ou trois jours, ce commerce…

L’autre le regarde sans comprendre.

— Oui, deux ou trois jours tout au plus… Et alors on verra bien qui aura le dessus, des honnêtes gens ou des coquins.

L’autre a compris, mais n’a rien répondu. Il monte lui aussi la rue. Et pour finir (mais c’est une chose à laquelle Milliquet s’attendait si peu que ce fut à son tour de ne pas comprendre tout de suite) il y a eu la petite Marguerite ; elle arrive, elle s’était fait belle :

— Je viens vous demander la permission d’aller un moment à la fête.