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petits souvenirs pour grandes personnes et enfants. On faisait d’abord le tour des échoppes. Celle de la marchande d’épices était drapée d’andrinople rouge. Celle de la marchande de glaces était peinte en faux marbre. Un manège de chevaux de bois était arrivé aussi plusieurs jours auparavant et n’avait été d’abord qu’une voiture verte avec des fenêtres, sous laquelle pleurait un chien, tandis qu’un cheval blanc était attaché à un pieu ; maintenant deux hommes en chemises kaki et à bretelles américaines portaient chacun un cheval dans les bras ou à eux deux une nacelle blanche à cou de cygne ; puis il y avait eu encore ces peintures et sur le devant de l’orchestrion les quatre rangées de pavillons de cuivre superposés. Ça brillait, c’était beau à voir. La jeunesse est arrivée sitôt après midi et même quelques couples dans la matinée déjà. La jeunesse est arrivée de bonne heure le dimanche afin d’être sur place quand le bal commencerait et plus tard devaient venir les personnes d’âge mûr, parce que les hommes ont l’habitude de dormir, ce jour-là, jusqu’à trois heures. Au village, Milliquet avait eu encore quelques clients le matin, et même ils avaient été plus nombreux que de coutume, ce qui l’avait surpris agréablement ; mais hélas ! dès avant midi ils avaient tous vidé les lieux. Bien qu’il fût à présent près de trois heures, la terrasse restait vide, la salle à boire également ; et lui alors, debout sur le pas de la porte, en habits du dimanche avec col et cravate, tantôt on le voyait qui se tournait vers l’eau où il n’y avait pas la plus petite annonce d’une arrivée, tantôt vers le