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Rouge aurait dit ? » mais enfin le bossu était là. Et il a suivi Décosterd qui s’est mis à parler tout de suite, mais d’autre chose.

Pendant que les deux hommes allaient ensemble, Décosterd disait : « C’est entendu. On détachera le bateau… Et, vous, vous amenez Mlle Juliette. Et, là-bas, les garçons savent ce qu’ils ont à faire. Et vous n’avez rien à craindre, vous savez, parce que vous serez bien gardés en cours de route. Bolomey fera sa tournée… »

Le bossu hochait la tête.

Ils ont assisté à un premier orage, ce soir-là. C’est comme ils s’étaient assis tous les quatre devant la maison, et Rouge disait à Urbain : « Plus fort. »

C’était à cause de la musique de la Fleur-de-Lys qui descendait jusqu’à nous poussée par un peu d’air le long de la Bourdonnette et dans le même sens qu’elle ; elle impatientait Rouge : « Est-ce qu’ils ne vont pas se taire ?… Allons, plus fort, M. Urbain. » Ils étaient assis sur le banc. Tout à coup, il y a eu un brusque changement dans la circulation de l’air, le vent s’est mis à souffler du sud-ouest.

On avait vu toute la cavalerie des vagues sauter en selle. On avait vu venir ces cavaliers qui avaient des panaches blancs.

L’orage pendait en arrière des montagnes de Savoie par une sorte de rideau où les éclairs faisaient des taches roses ; la cavalerie a pris le galop. Nous, dans le fond de notre baie, sur notre banc, on la voyait passer au large par longues files bien