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de petite soie légère. Et les filles se préparaient, les garçons se préparaient.

Et voilà que cet autre se préparait aussi, mais sans que personne s’en doutât. Derrière les remises, dans le fond du passage, ayant fermé sa porte à clé, il a fait un premier paquet. C’est le samedi soir ; il prend un sac de toile qu’il bourre jusqu’au bord, puis il le ferme d’un double nœud. Il va le poser dans un coin. L’autre paquet, il le garde près de lui : c’est un paquet qu’on connaît bien, et qu’on reconnaît facilement parce que l’enveloppe de toile cirée qui boutonne sur le côté ne lui ôte rien de sa forme. Celui-ci, il le garde à portée de sa main, pour se le passer le moment venu autour du corps par la courroie, et l’autre est prêt… Il avait reporté à la clientèle les chaussures de toute espèce qu’on lui avait données à réparer : celles qui restaient étaient en ordre sur leur planche. À ce moment, la musique Gavillet avait commencé à se faire entendre. Par-dessus les toits, on voyait le bois assez surélevé par l’autre côté du ravin et c’était justement à la corne du bois où la ligne des sapins s’est mise à trembloter avec ses dents de scie sur une bande de ciel bleu. On n’a pas remarqué que le bossu était sorti avec ses deux paquets. Maintenant il avait trois bosses. On pouvait très bien voir ses trois bosses ; il ne faisait pas assez sombre pour qu’on ne pût pas les voir. Il n’y avait pas eu place pour les trois dans son dos et elles débordaient sur les côtés de sa personne, l’une à droite, l’autre à gauche : la troisième ne pouvait pas se déplacer. Il monta la