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dedans vous dire : « C’est le moment, » sans en avoir l’air. Pas moyen de ne pas entendre. Il a bien fallu s’en aller.

Ils se donnaient le bras, garçons et filles. Ils sont rentrés en se donnant le bras. Ils ont pris par la route et ont passé la Bourdonnette, puis ont tourné vers le village. Ils chantaient. On chante une chanson, puis on en chante une autre ; on chante toutes les chansons qu’on sait. Seulement, quand l’une est finie, et avant qu’on passe à la suivante, il y a toujours un petit moment de silence, et c’est pendant un de ces moments-là. Un des garçons a dit : « Vous entendez ? » ils se sont tus tous ensemble. On a entendu l’accordéon.

Tout là-bas du côté du lac, derrière les arbres et la nuit, et très faible d’abord parmi le bruit de l’eau, mais qui finissait par percer ; alors ils ont ri :

— C’est le Bossu… C’est Rouge qui le fait venir pour la distraire… Mais, disaient-ils, elle aura mieux chez nous…

— Si le bossu l’amène, il va être volé… On aura la musique Potterat, huit musiciens de premier choix… Et il faudra qu’il s’encourage s’il veut leur faire concurrence.

« N’est-ce pas, disait-on, c’est le syndic lui-même, M. Busset, qui avait téléphoné aux gendarmes, rapport à ces deux coups de feu ; seulement il paraît que Rouge n’avait fait que tirer en l’air. L’homme du youyou était d’ailleurs dans son tort. L’affaire n’avait pas eu de suite. N’empêche que notre