Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elles allaient avec leurs corbeilles, qu’elles posaient à terre par moment ; puis elles repartaient avec leurs corbeilles. Et peu à peu on rentrait dans le monde qui venait à vous par une espèce de grande voûte sous laquelle le jour blanc s’avance à votre rencontre avec ses mouches et ses bourdons. On entendait jusqu’ici planter les clous. On arrive dans un taillis. C’est une ancienne clairière. On voyait les hauts poteaux électriques avec leurs anneaux de peinture rouge et l’inscription : Danger de Mort, qui vous fait rire. Un merle est parti à plat devant elles, en battant des ailes avec de grands cris, et elles ont marché un petit moment encore entre deux haies qui empêchaient de rien voir. Puis, tout à coup, c’est là. Tout à coup, ces grands bâtiments se sont présentés de travers sous leurs larges toits rapiécés avec un nom sur le plus important, où on lit, écrit en tuiles neuves : La Fleur de Lys ; et, plus bas, il y a une fleur de lys figurée. Ce bâtiment était celui de l’auberge ; il y avait devant deux grands tilleuls ; sous le tilleul, des bancs, des tables. Elles venaient avec leurs corbeilles. On les a vues venir. Les garçons montés sur des échelles tapaient à coups de marteau sur les clous ; on les appelle, on leur dit : « Ah ! c’est vous. Eh bien, arrivez… » C’est la fête qui commence. On voyait que c’était un peu plus loin que l’auberge elle-même, et un peu en arrière des autres dépendances : c’était un toit tenu en l’air par rien, tandis qu’il y avait tout autour, en guise de murs, le beau vendredi soir et la belle soirée. Un paysage servant de