Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aiguilles en tapis sur les replats, ses petites parois de rocher ; et, par endroits aussi, de la mousse, mais ce n’est pas la bonne, y pend. C’est de la mousse comme de la barbe, quelquefois blanche, d’autres fois jaune, non pas la mousse verte qu’il nous faut. Elles sont donc allées, longeant le bord du ravin sans y descendre, se baissant, puis se relevant, et les trois ensemble et puis séparées, puis elles s’appellent de loin en riant. Brusquement, elles s’étaient tues.

C’est au moment où elles revenaient à leurs corbeilles qui étaient presque pleines ; Marie avait dit :

— Vous avez entendu ?

Dans le fond du ravin, parmi le bruit de l’eau, un autre bruit était venu ; c’était comme quand on marche sur une branche sèche, et la branche casse, puis une pierre se déplace sur une autre pierre en grinçant.

— Vous avez entendu ?

Et on dit que ces bois, à présent, sont pleins de brigands. On raconte l’histoire du Savoyard et de Juliette (vous savez, la nièce à Milliquet, celle qui est chez Rouge pour le moment, parce que Milliquet l’a chassée) ; et il paraît qu’elle doit venir à la fête dimanche…

— Pas possible !

— Si ! elle est invitée…

Puis de nouveau Marie : « Vous avez entendu ? » alors elles avaient vite été toutes les trois en arrière, de façon que le bord de la pente les masquât.