Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

donnait un sens à tout. Il semble que les choses aient eu tout à coup leur couronnement, par quoi elles se sont expliquées et tout à coup elles s’expriment ; puis, s’étant exprimées, elles vont se taire de nouveau : elles vont se taire, hélas ! pour toujours. Elle, elle a ri encore vers nous, — puis, en effet, parce que c’est sur la terre, que rien ne dure sur la terre, que nulle part la beauté n’y a sa place bien longtemps…

C’étaient les hommes de la barque. Ils avaient leur youyou qui leur sert à gagner la rive, quand ils jettent l’ancre au large. L’un d’eux s’était mis à courir vers l’arrière de la barque. Il a tiré à lui le youyou par la corde au bout de laquelle il est attaché comme le poulain à la jument. Il saute dans le youyou ; les autres riaient d’avance.

Et tout se gâte plus encore ou autrement, parce qu’alors on a vu Rouge, qui n’avait toujours pas bougé, se mettre brusquement debout.

Il rentre dans la maison, il reparaît tout aussitôt ; quelque chose lui brillait dans les mains. Puis : pan !… pan…

Les deux coups de feu s’étaient suivis de si près que l’air n’avait pas eu le temps de retomber entre eux deux ; l’air une première fois soulevé et qui s’est soulevé de nouveau au milieu de son soulèvement même ; puis, par trois fois, chacune des deux détonations claque contre la falaise, dans la forêt, dans le ravin, s’entremêlant.