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ce qu’ils aient touché aux rochers. Et un grand beau mouvement a couru encore le long d’elle, comme quand les vagues se lèvent et se poussent l’une l’autre ; à ses jambes, à ses flancs, dans son dos, sur ses épaules ; — après quoi tout a été désert, tout se dépeuple, tout s’est éteint…

Le grand milan, qui quitte en quête de nourriture ses hauts séjours du plateau, a eu tout le temps de descendre en faisant des cercles. Il a touché l’eau du bout de son aile, essayant d’attraper avec la patte un des poissons crevés qui flottent à la surface ; il remonte d’un vol oblique, on voit que sa patte est vide : c’est qu’il a manqué son poisson. Tout est vide ; c’est quand elle n’était pas là. C’est pendant qu’ils se dirigeaient de nouveau vers nous dans la barque à la grande coque noire avec un œil sur le devant, pendant qu’Alexis pressant son cheval de ses talons nus tâchait de le faire aller vers le large ; tout était vide, tout s’était éteint ; puis voilà que tout se rallume.

Elle était reparue ; elle sortait de l’eau. Tout se rallume et se ranime, tandis que la bête là-bas se cabre et que, dans un grand remous, l’eau autour d’elle se casse en morceaux.

Le soleil de nouveau fait briller là-bas cette poitrine frisée qui bombe, qui monte dans l’air, puis va en arrière, et il y a plus bas sous les côtes deux espaces d’ombre…

Elle est reparue, elle s’élève peu à peu, elle naissait à nouveau devant nous. Lentement, encore une fois, elle a élevé son corps, elle l’a développé dans l’espace : c’était comme s’il216