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place, comme on va voir, parce que souvent (là-bas, chez nous), c’est un dessus de table qui sert et il suffit.

Il regarde, il voit que c’est bien. Un chapeau par terre, la musique.

Et il va avec sa cadence, ensuite on entend venir une petite vague comme quand on bat des mains, le vent qui se lève vient dans les branches.

Il y a accord avec tout.

La ligne de la falaise n’est pas plus souple et déliée que celle que font les petites notes ; elle, elle trompe en dansant la branche, comme lui a trompé l’oiseau. Elle trompe la branche là-haut que le vent a prise et balance. On ne sait pas si la branche l’imite ou si elle imite la branche, tellement tout est accordé.

Et ensuite il s’est arrêté ; alors elle le regarde. On voit de nouveau comme il est pâle, de la sueur coule à son front. Il y a une mèche de cheveux toute mouillée dessus et sur la grosse veine. Il tend en avant son cou maigre, il respire avec difficulté. Elle le regarde, puis elle vient (parce que, quand on a déjà donné quelque chose, peut-être qu’il faut tout donner) ; vient, s’est assise près de lui, a fait tomber son châle à côté d’elle dans le sable ; tend le bras, se laisse pencher.

Se laisse pencher du côté gauche, qui est le côté du plus grand poids, puis tend le bras, son beau bras nu, si doux et rond, et fort (si on avait besoin de lui) ; le tend et va au pauvre dos, remonte, va chercher le cou.