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s’est bien gâté depuis quelques jours… Oh ! le bossu, c’est vrai, mais Rouge dit que le bossu ne compte pas, je crois que c’est à cause de sa bosse. Et il y a moi, vous dites, mais, moi, je n’ai qu’un œil… Vous comprenez… Vous, vous avez vos deux yeux, et point de bosse. Oh ! pas moyen…

On a entendu la voix de Maurice :

— Alors qu’est-ce qu’il faut faire ?

— Ma foi, a dit Décosterd, je ne sais pas.

On entend la voix de Maurice :

— C’est que c’est à cause d’elle ; on ne va pas pouvoir la laisser là-bas plus longtemps. Ils ne comprennent pas, personne ne comprend. Ils ne savent pas qui elle est, ils ne voient pas la différence… Oui (il hésite, il baisse la voix), oui, vous, peut-être, c’est pourquoi je suis venu. Je me suis dit qu’on pourrait s’entendre. Je viens le soir écouter la musique, et elle, elle sort des fois, et je peux la voir, vous comprenez. La musique et elle, ça va tellement bien ensemble, et vous, vous comprenez, mais eux ne peuvent pas comprendre et mon père non plus ne comprend pas. En sa qualité de syndic, il va avoir à s’occuper de l’affaire ; et justement ce soir il en a parlé à table ; il a dit que, si Milliquet portait plainte, il faudrait bien faire une enquête. Et il a dit aussi, comme ça, qu’il y avait des asiles pour ces filles : alors ils l’enverront chercher par les gendarmes…

— Ça, a dit Décosterd, ça ferait du mauvais…

— C’est justement… Qu’est-ce qu’il faut faire ?… Eh bien,