Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans le café on avait ouvert une fois de plus l’atlas et des hommes qui buvaient là, étaient venus rejoindre Milliquet et Rouge, se penchant pour voir entre leurs épaules :

— Aujourd’hui, disait Rouge, elle doit être arrivée dans le détroit de Gibraltar.

Pour trouver le détroit de Gibraltar, il leur a fallu de nouveau aller en arrière dans l’atlas, le feuilletant dans le mauvais sens ; ils trouvèrent l’Italie, ensuite ils ont trouvé l’Espagne ; c’étaient des planches à échelle réduite où l’Espagne, par exemple, était plus grosse que l’Afrique ; mais voilà que Milliquet venait de prendre Rouge à part :

— Tu sais que je lui donne la chambre d’en haut, celle qui est au midi. C’est une bonne chambre…

— Tu as raison, dit Rouge. Autant faire les choses consciencieusement quand on les fait…

Sur ces entrefaites est arrivée une carte de Marseille ; cette fois, ce n’était plus le consul, c’était la voyageuse elle-même qui l’avait écrite :

— Et il faut croire, disait Milliquet, qu’elle sait le français… Mon frère le lui aura appris…

Il pleuvait. Devant les étables, entre les pavés, il y avait des flaques rondes comme des dessus de bols pleins de café au lait. Milliquet avait pris avec lui un gamin qui poussait une brouette à herbe. Ici, ce n’est qu’une petite station et le train de 2 h. 40 était un train omnibus ; les voyageurs y sont un peu toujours les mêmes : gens du village allés à la ville pour