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— Ah ! mon Dieu, il fallait le dire ! Alors, c’est à cause du bossu ?… C’est lui que vous alliez chercher ?…

Elle parle, elle parle beaucoup. Elle s’embrouille dans ses phrases, elle rit ; elle s’y emmêle, elle s’en démêle ; des mots lui manquent, elle les invente ; elle rit encore, et lui cependant :

— Pourquoi ne m’avez-vous rien dit ?

Il rit, lui aussi.

— Mais voyons pourquoi n’avez-vous rien dit ? j’aurais été vous le chercher, moi. Lui, je veux bien ; lui… lui, ça ne compte pas, il n’est pas dangereux… Je comprends… Le petit bossu, pardieu !… Cette musique, je comprends… Ah ! Juliette, tu peux bien te dire que tu m’as fait peur… Je suis vieux, je pensais : « Voilà qu’elle en a assez de moi… » Alors, c’est cet Italien, parce qu’il est bien Italien, ou quoi ? C’est cet Italien que tu veux ? Oui, le bossu, celui qui travaille chez Rossi. Je comprends bien, c’est sa musique… Mais alors, rien de plus facile…

Elle parlait, il parlait :

— Je vais vous le chercher demain… J’irai vous le chercher aussi souvent que vous voudrez. On l’invitera une fois pour toutes. C’est vrai qu’il ne connaît personne, lui non plus, le pauvre garçon, et puis il n’est pas beau, ça n’attire pas le monde… Mais alors vous vous ennuyiez de sa musique ? oh ! je comprends ça ! Je suis comme vous, ça me manque aussi. Juliette, vous voyez, Juliette, on se ressemble…