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Il est entré le premier.

Et il vient de passer dans la chambre voisine ; c’est de là qu’il a appelé Juliette :

— Écoutez, je vous ai trouvé une veste, Mademoiselle. C’est une de mes vestes de chasse. Si vous voulez venir, il y a du fil et des aiguilles sur la commode.

Le grand ciel est parti. Le beau paysage sous le ciel est resté derrière la porte. C’était une petite chambre sans beaucoup d’air, et où, malgré le grand jour, il fait sombre. Il est sorti, il l’a laissée seule. Docilement, elle a fait ce qu’il lui a dit de faire. Elle a mis sur ses belles épaules la veste de toile gris vert avec une large poche derrière et où des boutons de métal figurent des têtes de sanglier. Elle se regarde dans une petite glace tachée de noir. Elle recoud sa jupe dont les larges lambeaux lui pendent sur les pieds, découvrant le genou…

Rouge était rentré depuis un moment déjà ; son entretien avec Milliquet n’avait pas duré longtemps. Il n’y avait pas plus d’une demi-heure qu’il avait quitté Décosterd que Décosterd l’a vu qui revenait ; il marchait la tête en avant, comme si sa tête avait été trop lourde ; sa casquette mise en arrière comme si sa tête avait enflé. Son teint était encore plus noir de sang que d’ordinaire autour et au-dessus de sa moustache qui semble être devenue plus claire et avoir blanchi davantage, tandis qu’une grosse veine à sa tempe se gonfle, une autre grosse veine est tendue sur le côté de son cou.