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les pierres et qui s’ajoute à celui du courant, qu’il doit l’avoir appelée, qu’il lui a crié quelque chose, mais, lui ayant jeté un regard par-dessus l’épaule, la voilà de nouveau qui éclate de rire, parce qu’elle a vu qu’il venait de perdre sa casquette et le rouleau défait de ses cheveux lui pend jusque dans les yeux. Elle hausse les épaules au-dessus de sa gorge qui se renfle, toute pleine de rires et d’air ; elle est comme quand on joue à un jeu, tout en levant les bras et les tenant écartés pour ne pas perdre l’équilibre, tandis que lui derrière elle glisse et tombe. Elle rit, elle se porte en avant, et lui, dans ce même moment, se jette vers elle d’un mouvement furieux, mais déjà tout le lit de la Bourdonnette les séparait où il glisse et va de côté, les bras dans l’eau jusqu’aux épaules. Elle, elle était déjà arrivée sur l’autre rive ; là, elle s’était mise tout de suite à grimper. Là le terrain aussi changeait complètement de nature. C’était sous les sapins tout un étagement de bancs de pierre tendre, que des paliers en pente raide, couverts d’une mousse épaisse, séparaient ; le tout s’élevant jusqu’à une très grande hauteur et à la hauteur de midi dans une ombre où il y avait, au-dessus de vous, des ouvertures comme celles d’un tunnel avec des puits de soleil, pointus du bas. Ils faisaient des ronds sur la mousse. Elle a été dans un de ces ronds de soleil, un instant ; elle grimpait à la pente en s’aidant des pieds et des mains. Elle n’a plus été dans le soleil ; elle grimpait à la terre noire, une terre comme du marc de café dont les grains vous entrent dans la peau. La mousse par touffes entières et larges plaques sans