Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.

terd à son tour est arrivé ; et pendant ce temps, le radeau a retrouvé la belle eau bleue qui fait que les petits corps bruns ont eu de nouveau leur couleur.

— Ernest, rame à droite… Toi, Louis, mets-toi à gauche. Plus à gauche, Louis, voyons…

C’est alors qu’elle s’était approchée de Rouge. On l’a vue qui parlait à Rouge ; elle devait lui demander quelque chose. On la voit qui lui parle, puis elle se tait, penchant la tête de côté, puis elle la hoche à plusieurs reprises comme quand on insiste. Finalement Rouge avait dû dire oui. Elle se met à battre des mains.

Et Maurice voit Décosterd venir à grands pas dans sa direction, comme si Décosterd l’eût découvert dans sa cachette ; mais celui-ci ne levait pas la tête, la tenant baissée au contraire, le cou tendu en avant. Il s’engage dans les roseaux.

Là-haut, Maurice a suivi un instant Décosterd des yeux ; il les ramène sur la grève : il voit que de nouveau elle n’était plus là.

Décosterd cependant détache le bateau qui s’était appelé la Coquette et ne s’appelait plus la Coquette ; il monte dedans. Le bateau avait été entièrement remis à neuf ; il était peint en vert à l’extérieur, en jaune d’ocre à l’intérieur. Décosterd avait empoigné les rames. Il rame d’abord entre les roseaux, dans l’eau trouble ; il tourne sur la droite, l’eau propre le reçoit. Il tourne du côté de Rouge ; il a abordé devant Rouge, donnant un dernier coup de rame qui fait entrer la quille en grinçant dans le sable et la fait remonter légèrement contre sa pente.