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plusieurs luisants, au lieu d’un seul. Ils venaient de finir de manger ; elle piquait ses fraises du doigt sur la belle feuille verte. Tout à coup, Rouge se lève. Le bateau à vapeur avait passé. Décosterd en repoussant le banc l’a fait crier sur le sol cimenté. C’est un beau dimanche. On voit Rouge qui sort, les mains dans les poches, allant vers l’eau par habitude ; Décosterd, lui, s’était mis à desservir la table. Elle avait voulu l’aider, il ne le lui a pas permis : « Non, Mademoiselle, ça me regarde. »

Elle était alors rentrée dans sa chambre et là aussi tout brillait à neuf : le lit, les murs, le plafond, le carreau. Il y avait à la fenêtre des rideaux blancs. Et il n’y avait pas ici deux lumières seulement, mais tout un entrecroisement de lumières, à cause du grand miroir fixé au mur. Le jour lui a dansé dans les cheveux, il lui bougeait sur les épaules. Elle est allée devant le miroir, elle a dû fermer les yeux. Elle va jusque devant le miroir, roulant entre ses doigts, au-dessus de son oreille, une mèche de cheveux ; et il fait tellement beau ; — alors pourquoi est-ce que, tout à coup ?…

C’était pendant qu’elle était là et que Rouge était sur la grève, où elle l’entend aller et venir ; qu’est-ce qu’il y a ? qu’est-ce qu’il y a ?

Elle regarde entre les rideaux ; elle voit que lui non plus n’a pas l’air de savoir que faire, se promenant de long en large, les mains dans les poches.

Qu’est-ce qu’il y a ? elle ne sait pas. Et on chantait quand