Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était une large feuille de bette qu’une autre large feuille de bette recouvrait : ce qu’il y avait entre les deux feuilles ne pouvait pas être vu, c’est pourquoi Décosterd faisait une grimace de plaisir, regardant Rouge avec un œil tout brillant, ce qui faisait paraître l’autre plus éteint et plus mort encore.

Et Rouge alors qui cache sa curiosité :

— C’est pour qui ?

— Ah !

Et Rouge qui s’est tu, mais il reprend tout à coup :

— Écoute, il nous faut vite aller mettre la table… Et puis, a-t-il recommencé, puisque c’est une surprise, tu la mettras dans son assiette.

Décosterd avait hoché la tête ; et, en effet, quand elle vint, il y avait à sa place les deux feuilles de bette ; — quand elle vint dans sa petite robe noire, puis :

— C’est pour moi ? Qu’est-ce que c’est ?

Rouge :

— Ma foi, je ne sais pas…

Décosterd :

— Moi, non plus.

— J’ose regarder ?

Et, levant la feuille de dessus, elle découvre au creux luisant de l’autre avec sa côte blanche et ses gaufrures, les premières fraises de la saison, les premières fraises des bois.

— C’est vous ? a-t-elle demandé à Rouge.

Rouge avait fait signe que non.