Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

couteau dans la poche du tablier, il coupait le fil avec son couteau.

C’est un ouvrage minutieux, délicat ; c’est une des deux moitiés du métier, et qui ne ressemble guère à l’autre ; ― il laisse de nouveau couler les mailles entre ses doigts et le plomb du bas les entraîne ; puis il pousse plus loin, le ventre et son tablier bleu toujours tournés vers le mur transparent. À ce moment, il lève les yeux. Elle était là, elle le regardait faire. Elle s’était assise contre le talus ; elle tenait ses mains sur ses genoux. Et lui, alors, la considère de son côté, puis il a dit :

— Vous voyez, c’est le métier.

Il reprend :

— Ça vous intéresse ?

Elle se met debout.

— Est-ce difficile ?

— Oh ! non.

— Vous me montreriez ?

Elle était venue et lui :

— Bien sûr. Mais est-ce vrai que vous vous y mettriez ?

Et il la regarde :

— C’est que c’est justement un ouvrage de femme. On est bien obligés, nous autres, de faire le métier jusqu’au bout, mais c’est un métier qui est double. Il y a une première moitié, et puis il y a cette seconde moitié. On faisait l’homme et la femme, parce qu’il n’y a point de femme ici ou du moins il n’y en avait point. Mais à présent…