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et les belles joues qu’on a ou qu’on avait, — qu’on aurait de nouveau s’il voulait seulement.

Il ne voulait pas, elle est revenue sur ses pas. Et c’est comme elle allait arriver de nouveau devant la maison qu’elle a vu venir trois de ses amies qui montaient la rue, cette rue qui menait au lac et dans l’autre bout de laquelle se trouve le café Milliquet. Elles venaient en se tenant par la main ; de loin, elles ont fait signe à Émilie.

— Ah ! heureusement qu’on te trouve… Que fais-tu cette après-midi ?

— Je ne sais pas.

— Alors on compte sur toi. C’est Mathilde qui nous invite. Elle nous avait dit de passer te prendre, mais on pensait que tu avais peut-être des projets… D’ailleurs, tu sais, tu n’as qu’à amener Maurice…

Elle dit :

— Merci. Je verrai.

Elles n’ont rien dit de plus. Maurice…

Et déjà elles s’éloignaient, disant encore : « Eh bien, alors, à tout à l’heure… » elle, elle continue à pas toujours plus lents, parce que peut-être qu’on va venir et qu’il viendra ; elle passe de nouveau devant la cour qu’elle longe, et lève encore légèrement la tête, mais elle ne s’est pas arrêtée, elle n’en a pas la force, elle aimerait bien, elle ne peut pas.

Vers deux heures pourtant, elle s’était décidée. Est-ce qu’ils n’étaient pas à peu près officiellement fiancés, après tout ?