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courroie autour du corps, pour traire ; puis ils détachent la courroie et ils se mettent sur le dos la lourde hotte de fer-blanc ; — déjà voilà qu’ils avaient ri beaucoup en voyant venir Décosterd, tandis qu’ils se tenaient avec leur carnet autour de la balance.

— Alors, c’est toi qui fais la bonne, Décosterd ?

La pièce sentait acide à vous faire pleurer les yeux ; les ustensiles en cuivre rouge ou en cuivre jaune vous partaient selon vos déplacements l’un après l’autre dans la figure avec la barre de leurs reflets, à cause du soleil qui entrait par la porte ; et on voyait qu’ils savaient tout, c’est pourquoi ils étaient amusés. Décosterd n’ouvrait pas la bouche.

Il demanda sa demi-livre de beurre, ce fut tout ; seulement le patron avait fait exprès de ne pas le servir tout de suite, et Décosterd avait été forcé d’attendre un bon moment parmi les plaisanteries et la fumée des cigarettes que fumaient les jeunes, ou celle des pipes que fumaient les vieux.

— Il n’est pas si bête que ça, ton patron.

— Bigre non.

— Et alors, à présent, tu vas être chargé des courses ?

Bien que Décosterd eût continué à ne rien répondre, mais l’affaire en effet n’allait pas être si simple, ni si claire qu’on pouvait penser.

Il n’y avait personne dans la salle à boire quand Rouge est arrivé ; c’était vers les trois heures. Les écriteaux avec des vignerons, et ceux avec un tonneau et des médailles d’or et