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— Je tâcherai bien. Pour sûr.

Aline vivait seule avec sa mère dans une petite maison. Elles avaient encore une chèvre et un champ qui leur faisait deux cents francs par an, étant bien loué. La vieille Henriette aimait l’argent, qui est doux à toucher, comme du velours, et il a une odeur aussi. Mais, si elle aimait l’argent, c’est qu’elle avait tant travaillé pour le gagner qu’il lui restait un cou tordu, un dos plié et des poignets comme deux cailloux. Les veines sous la peau de ses mains ressemblaient à des taches d’encre. Comme elle n’avait plus de dents, son menton remontait jusqu’à son nez quand elle mangeait. Elle allait dans la vie avec tranquillité, ayant fait ce qu’il fallait faire ; elle voyait ce qui est bien et ce qui est mal ; et puis elle attendait aussi de mourir à son heure, car Dieu est juste.