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Et la plainte disait : « Anathème ! Anathème !
Nous sommes les errants que le malheur conduit,
Le douloureux troupeau des vivants au front blême
Crées pour la lumière et jetés dans la nuit !

» Nous sommes les bannis, la cohorte exilée,
Les seuls êtres ayant des larmes dans les yeux,
Et si l’eau de la mer sur ce globe est salée,
C’est peut-être des pleurs versés par nos aïeux !

» Anathème ! Anathème au Semeur de lumière !
À Celui que le vaste univers applaudit !
S’il ne vient pas nous rendre à l’Étoile première,
Qu’il soit maudit, partout maudit, sans fin maudit ! »

Alors Dieu se dressa sur son trône écarlate,
Et, tendre, ému, pleurant comme nous, il baissa
Ses deux bras lumineux sur l’immensité plate
Et de toute sa voix de tonnerre il lança :

« Parcelle de Soleil qui te nommes la Terre,
Larves qui gémissez sur elle : Humanité,
Chantez, je vous fais don de la Mort salutaire
Qui vous ramènera dans l’Astre de clarté ! »


Et c’est pourquoi, superbe, insensible aux désastres,
Le Poète, créé pour les étoiles d’or,
Dédaigneux de la terre, a les yeux sur les astres,
Vers lesquels il prendra bientôt son large essor.