binet, de l’Institut, qui a depuis plus de quarante ans étudié ces grandioses phénomènes que nous présente la nature.
« Ce mouvement tout à fait extraordinaire des eaux de la mer, immense dans son développement, capricieux par l’influence des localités, des vents, et surtout par l’état variable du fond du lit du fleuve, a fait l’objet des longues recherches que je viens aujourd’hui développer devant vous. Voyons d’abord ce que c’est que la barre de flot. Tandis qu’en général, et même à l’extrême embouchure de la Seine, au Havre, à Honfleur, à Berville, la mer, à l’instant du flux, monte par degrés insensibles et s’élève graduellement, on voit, au contraire, dans la portion du lit du fleuve, au-dessous et au-dessus de Quillebœuf, le premier flot se précipiter en immense cataracte, formant une vague roulante, haute comme les constructions du rivage, occupant le fleuve dans toute sa largeur, de 10 à 11 kilomètres, renversant tout sur son passage, et remplissant instantanément le vaste bassin de la Seine.
« Rien de plus majestueux que cette formidable vague, si rapidement mobile. Dès qu’elle s’est brisée contre les quais de Quillebœuf, qu’elle inonde de ses rejaillissements, elle s’engage, en remontant, dans le lit plus étroit du fleuve, qui court alors vers sa source avec la rapidité d’un cheval au galop. Les navires échoués, incapables de résister à l’assaut d’une vague si furieuse, sont ce qu’on appelle en perdition. Les prairies des bords, rongées et délayées par le courant, se mettent, suivant, une autre expression locale, en fonte, et disparaissent.