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Il y a des archives perdues, tombées en poussière dans les profondeurs de la conscience humaine. L’érudition patiente remue cette poussière, elle la recueille et l’interroge, grain à grain. Puis vient la poésie, qui touche cette poussière de sa baguette magique, naïvement persuadée qu’elle n’a qu’à le vouloir pour la ranimer, pour reconstituer I’image des civilisations disparues, pour remettre sur pied les moissons que le temps a fauchées, pour rendre au jour tout ce qu’a vu le jour, pour forcer le silence à parler et I’oubli à se ressouvenir. Noble ambition, sublime confiance, qui n’est étrangère à aucun des poëtes de ce temps, du moins à aucun de ceux qu’a touchés l’étincelle divine, et qui, si jamais l’effet pouvait répondre aux intentions, achèverait et couronnerait l’œuvre ébauchée par les fouilles de la science et les recherches de l’érudition. Mais c’est la toile de Pénélope. Au moment où le poëte croit avoir touché au but, la critique s’empare de son œuvre, encore toute chaude du souffle de l’inspiration, elle y applique la loupe et n’a pas de peine à en découvrir les invraisemblances, les impossibilités, les remplissages arbitraires. La mieux réussie n’est encore qu’un à peu près, et il faut recommencer sur nouveaux frais. Elle est malaisée à contenter, la critique : mais la poésie est encore plus malaisée à rebuter : elle recommence, et elle recommencera toujours, aussi longtemps que durera l’éternel conflit, qui est