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si facilement rabattre. Ce même Calvin, qui la poursuit à outrance, en a bien sa petite part. Par devers lui, il s’est posé et il a tranché cette question indiscrète. Il a beau renvoyer rudement tous ceux qui osent dire à Dieu, pourquoi fais-tu cela ? par une singulière inconséquence il s’attaque lui-même à ce mystère, il répond à ce pourquoi, et c’est dans cette réponse qu’il faut chercher un des dogmes essentiels du calvinisme, la clef de voûte de l’édifice. S’il faut en croire Calvin, Dieu a créé le monde pour manifester sa gloire. Les hommes en sont les spectateurs ordonnés par lui. Il en a élu quelques-uns à salut pour que sa gloire éclatât par leur félicité ; il a condamné les autres pour que sa gloire éclatât par leurs tourments. On dirait un vaste tableau, où il faut des ombres pour faire ressortir la lumière. On dirait la splendeur du soleil dont témoignent également la clarté du jour et les ténèbres de la nuit. Calvin revient sans cesse à cette idée ; elle s’insinue à chaque page. C’est bien là, si on y regarde de près, le dernier mot du calvinisme.

Il reste encore un point que Calvin ne laisse pas indécis. Ce décret divin qui date de toute éternité, est-ce aussi pour l’éternité qu’il condamne les uns aux tortures de l’enfer, et qu’il convie les autres aux béatitudes du ciel ? Appuyé sur la Bible, Calvin répond nettement : « C’est pour l’éternité. » Ainsi la dogmatique calviniste peut au fond se ra-