Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intelligences rapides et sûres qui voient tout d’un regard, mais avec une de ces âmes ardentes que remplit cette foi qui transporte les montagnes. Calvin, venu plus tard, quand déjà la victoire était assurée sur plusieurs points et l’ébranlement donné partout, Calvin, qui devait songer à constituer la réforme plus encore qu’à combattre l’église romaine, n’eut ni la fougueuse éloquence, ni l’enthousiasme de Luther. Il eut moins d’élan, mais plus de suite ; un regard moins profond, mais un coup d’œil plus sûr ; un bras moins puissant pour frapper, mais une main plus ferme pour contenir ; un courage moins héroïque, mais une énergie plus égale. Luther sut conduire l’attaque et lancer le flot populaire ; Calvin sut l’arrêter dans son cours. Luther trouva sa force dans l’indomptable puissance de son âme ; Calvin dans l’inébranlable fermeté de son esprit. Mais Luther et Calvin furent également convaincus, également propres à leur mission, également nécessaires à la réforme.

Pour réussir dans une tâche aussi délicate, pour arrêter la révolution commencée en l’enchaînant à une doctrine précise, il fallait à Calvin plus de méthode que d’inspiration, un esprit systématique plus que créateur. Aussi fut-il un logicien consommé : il connut à merveille l’art d’enchaîner ses idées, de les fortifier les unes par les autres, et d’agir sur les