l’emporte-pièce, où chaque mot ajoute à la pensée, — et vous comprendrez que la manière plus molle de Racine, ingénieuse et contournée, l’ait cent fois impatienté.
Voici la première scène d’Esther. Le volume s’est ouvert là, par hasard.
Elise, l’ancienne compagne d’Esther, lui raconte qu’elle la croyait morte. Un prophète l’a rassurée :
C’est pleurer trop longtemps une mort qui t’abuse.
Il se peut que pour les esprits délicats du XVIIe siècle une mort qui abuse signifiât une mort faussement annoncée ; mais il n’en sera probablement pas de même pour le critique qui reproche à Racine de n’avoir que les apparences de la correction, et il faut l’en féliciter.
Le même prophète charge Elise d’annoncer à Sion que le jour approche où le Dieu des armées
Va de son bras puissant faire éclater l’appui,
c’est-à-dire, — car on pourrait s’y tromper, — montrer par des faits éclatants qu’il est et veut être l’appui de Sion. Il serait facile, je crois, de’prouver qu’en parlant ainsi Racine ne s’est point écarté de l’usage de son temps ; mais qui oserait en vouloir à son terrible censeur de s’interdire toute alliance de mots semblable à celle de l’appui qu’on fait éclater.