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sont des hommes de trop d’esprit pour trouver autant de plaisir à Legrand qu’à Molière. Ils ont aussi leurs préférences.

Là est le côté faible de l’école historique et son inconséquence évidente. L’indifférence mêlée de curiosité derrière laquelle elle se retranche, ne lui offre aucune position tenable, et ses prétentions ne sont ni plus ni moins illusoires que celles de l’école dogmatique ou de l’école du goût. Elle se dit libre parce qu’elle ne veut pas voir ses entraves ; mais il n’y a qu’à la regarder faire un seul pas, pour s’assurer qu’elle n’est pas plus qu’une autre maîtresse de ses mouvements. Elle subit, sans se l’avouer à elle-même, la servitude de la tradition, et elle s’embarrasse d’autant plus dans l’arbitraire des théories et du goût qu’elle se pique davantage d’y échapper. Tous ses efforts pour ne pas juger n’ont abouti qu’à déguiser ses jugements, et à supposer même qu’elle parvînt réellement à ne plus juger du tout, on se demande quel avantage elle en tirerait : car enfin, quel est l’homme qui y renoncera jamais de bonne foi ? Ce n’est pas un plaisir seulement, c’est un besoin, et « l’impertinente sagesse » qui consiste à vouloir corriger les faits, pourrait bien être la plus incurable et la plus universelle de toutes les maladies humaines, tellement incurable, tellement universelle qu’il est aussi chimérique d’en vouloir guérir que de vouloir se séparer de son ombre.